train numéro 1, "le Canadien", Toronto-Vancouver

Je pars vers l’ouest. Dans quelques jours j’atteindrai Vancouver.

Pour l’instant je me contente de quitter Ottawa sous une pluie intense pour rejoindre Toronto. Je suis dans le bus pour 5h, traversant l’Ontario parmi les forêts et les lacs. Et je viens de recevoir un email pour m’avertir du retard de 3h de mon train ce soir. Pas trop de mal, je craignais potentiellement pire. Et puis je prendrai le temps de traverser le centre de Toronto comme ça.

Je prends la journée pour redécouvrir Toronto et me balader à travers les différents quartiers de la ville. Je redécouvre un paradoxe remarqué dans les autres villes canadiennes. Dans le centre-ville il y a à la fois des bâtiments de plus de 20 étages et des maisons d’un étage qui se côtoient. Je trouve ça étrange, je suis habitué en France à des bâtiments cohérents dans chaque quartier, sans gros écart en tout cas.

la tour Canadian National depuis le parvis de la gare

Je vais enfin à la gare pour le début du vrai voyage. Il est minuit, le train prévu pour 22h partira à 1h. C’est le dernier départ de la soirée. La gare est presque vide, j’imagine que la plupart des gens présents voyageront avec moi. La population est bien variée. À l’embarquement je me rends compte qu’il y a peu de personnes âgées mais plutôt des jeunes, la vingtaine ou la trentaine. Ce ne sont que les passagers en classe économique, sans doute la population des couchettes est différente. Il y a aussi un groupe d’Amiches/Mennonites.

le tableau des départs, c'est le dernier de la soirée en voiture!

Le train est long a priori d’une vingtaine de voitures, même si les deux voitures en économie sont presque vides, avec au minimum deux sièges par personne. Le train semble accueillir 100 personnes ou moins. En Amérique du Nord, les trains transcontinentaux sont comme des croisières, on vient surtout prendre le temps et regarder par la fenêtre. Le train se prend comme l’avion. On enregistre ses bagages si on veut (les limitations sont généreuses) et il y a un embarquement 30 minutes avant le départ.

le train

Il est 1h02 et le train n°1 à destination de Vancouver bouge, lentement. C’est parti pour traverser le continent. L’arrivée (si on rattrape le retard) est prévue dans 3 jours et demi, après avoir parcouru les différentes provinces canadiennes. Les lumières s’éteignent, je vais profiter de la nuit pour dormir et pouvoir peut-être voir le lever du soleil tout à l’heure. On traverse pendant un moment Toronto et sa zone urbaine étendue. Le train est confortable. Il n’y a pas de Wi-Fi mais des prises électriques et de l’eau potable (j’avais pris 2 grandes bouteilles d’eau au cas où). Il fait chaud, mais je ne sais pas si c’est seulement la chaleur accumulée pendant la journée.

les locomotives

Ce matin on traverse l’Ontario, on longe des lacs et on traverse des forêts, quelques villes ou zones industrielles. En particulier une fois Sudbury passée, c’est le nord de l’Ontario, très peu peuplé, on ne voit quasiment rien d’autre que des arbres et des lacs. Cela donne envie d’explorer les grands espaces du Canada. Quand on pense que les chemins dits d’arrière-pays des parcs nationaux populaires ne sont peut-être même pas arpentés chaque semaine, j’imagine qu’au milieu du Nord de l’Ontario on peut randonner des semaines au milieu de la nature vraiment sauvage et ne rencontrer personne. Je me demande s’il y a beaucoup d’animaux dans les parages.

un des milliers de lacs en Ontario

On traverse parfois des minuscules villages et une voix off nous les nomme. Ils comptent rarement plus de quelques dizaines d’habitants. Le train est peut-être la seule desserte dont ils bénéficient, dans cette partie du Canada il y a peu de routes, seulement deux transcanadiennes et pas vraiment de réseau à partir de ces routes transcontinentales. Depuis le début je me rends compte que si la liste des arrêts possibles est plutôt longue, on ne s’est arrêté pour un stop optionnel qu’une fois. A Nakina, 700 habitants, une personne est montée. Malgré cette faible demande, le train est flexible sur les arrêts. On peut même demander un arrêt à un point de kilométrage quelconque, au milieu de nulle part, il suffit de réserver. Les communautés desservies sont sans doute assez indépendantes, probablement seulement ravitaillés par les trains de marchandises. La voie a surtout été construite dans le but de desservir les mines et l’exploitation des ressources naturelles, et sans doute le transport transcontinental. on croise pas mal de ces trains de marchandises, ils sont bien plus nombreux et longs que les trains de voyageurs. D’après un des employés, il fut un temps où 2 trains par jour circulaient. Il y en a maintenant 3 par semaine.

On rattrape notre retard petit à petit. Parti avec exactement 3h de retard, on avait 2h-2h30 de retard à Capreol puis on a environ 1h30 de retard en partant de Hornepayne. Ces arrêts sont programmés pour durer 30 minutes mais n’en durent pas plus de 15. Cela laisse le temps de descendre se dégourdir les jambes. Les retards ont l’air aléatoires et dépendent surtout des sections d’une seule voie où il faut parfois attendre qu’un train de marchandises soit passé.

Au détour des conversations des voyageurs, il semble que tous sont soit des touristes soit des Canadiens curieux. Plusieurs sont des Canadiens qui auraient tendance à faire le trajet entre l’est et l’ouest en avion mais tentent en train. Pas mal sont des européens qui choisissent le train comme une part intégrante de leur voyage. Mais tous ont en commun de prendre le temps de découvrir une partie cachée de ce pays.

un lac

Je me suis endormi avec la vue de lacs et de forêts et je me réveille au milieu des champs. Les arbres servent seulement de clôture entre deux champs ou deux maisons ici. Gros changement en quelques heures. Et c’est seulement un avant-goût des prairies. Je fais une pause à Winnipeg où on arrive avec 20 minutes d’avance. Après la pause le train va suivre les prairies pendant plus d’une journée.

un champ dans les Prairies