les Rocheuses

On quitte la très chaude vallée de l’Okanagan en direction de la pluie. Mais surtout après quelques heures de route on atteint les Rocheuses. Voilà finalement les montagnes tant attendues, pour une semaine de rando et de camping.

La pluie variable mais souvent drue nous force à retarder notre première rando. On se contente de la tournée des bords de lacs. Le lac émeraude est magnifique. Depuis le bord du lac on peut apprécier sa robe turquoise et claire, pas besoin de prendre de hauteur. Avec les montagnes nageant dans la brume en fond, la carte postale est parfaite. Des troupeaux de touristes confirment l’attractivité de l’endroit.

Dans le parc de Yoho, on tombe sur un “pont naturel”. Il s’agit d’un ancien barrage naturel formé de rochers sur lequel l’érosion a eu un impact visible. Avec le temps l’eau s’est forgé un chemin dans les rochers, formant un trou. Il reste donc un pont de roche en-dessous duquel l’eau coule violemment. Les explications du système prédisent l’effondrement prochain (probablement dans un sacré bout de temps cela dit) du pont, transformant l’ensemble en une faille parmi les rochers pour que la rivière s’écoule.

Le lac Louise dans le parc de Banff offre des tons différents. Il nous faut déjà grimper un peu pour admirer depuis le belvédère Fairview le lac à la couleur de lait à la menthe et le classieux château Lake Louise, hôtel construit par la compagnie de train Canadian Pacific pour les premiers touristes, fortunés, qui venaient voir l’Ouest. Encore une fois on voit derrière le château les montagnes, couvertes de forêts découpées par les pistes de ski, auréolées de nuages.

Le lac Moraine est l’un des plus clairs lacs, l’un des plus beaux de ces lacs turquoises. Et les canoës jaunes ajoutent une belle complémentarité de couleur.

Les cheminées de fées, nommées Hoodoos, dans le parc de Yoho, sont aussi une belle oeuvre de l’érosion, même si les explications sont absentes cette fois-ci. Ces cheminées semblent avoir été une couche de terre et cailloux mixés puis lentement attaqués par l’eau. Elle s’est frayé un chemin entre des tas de terre, formant des cheminées. Mais le plus curieux reste le fait que chaque cheminée est chapeautée par un caillou tenant souvent en équilibre. L’eau a donc arraché la terre au-dessus, autour et pas mal en-dessous, mais la pierre est restée accrochée.

La beauté que nous offre la nature ne s’arrête pas là, dans le parc de Banff on va randonner pour atteindre un petit cirque, dominant les forêts et le lac Minnewanka.

On est aussi à Banff pour la fête du Canada, l’occasion d’assister au feu d’artifice de la célébration. Ce qui me frappe c’est qu’à 23h, le jour n’est pas totalement couché. A 51 degrés de latitude, peu après le solstice d’été, on perçoit un air de Grand Nord, de jour sans fin. Pendant nos nuits de camping sous la pleine lune, cette impression qu’il fait toujours clair sera renforcée.

On quitte d’ailleurs Banff pour nous diriger plus au nord, vers Jasper. Le plus au nord de notre périple. On y va par la dite promenade des champs de glace, l’Icefields Parkway, la route des glaciers. En effet, ces glaciers recouvrant les sommets qui nous paraissaient inatteignables depuis Banff bordent aujourd’hui la route. La route est la plus haute du Canada et l’une des plus belles routes que j’ai longées dans ma vie. Sur plus de 200 km, il n’y a qu’une poignée de bâtiments, quelques restos, hôtels, une station essence. Le reste est laissé à la montagne, à la faune et la flore. Pour seulement satisfaire nos yeux pendant une journée.

Sur cette route que l’on va traverser dans les 2 sens, on va avoir droit à un beau spectacle. Le lac Bow, un autre lac turquoise entouré de montagnes recouvertes de glaciers, notamment le glacier Crowfoot et le lac Peyto, plus blanc que les autres lacs. Une randonnée au sommet Bow où l’on atteint un pierrier, au-dessus de la forêt, pour une vue d’ensemble de la vallée et du lac Bow. Une rando au col Sunwapta, parmi les magnifiques alpages, où les conifères laissent la place aux buissons et surtout aux belles fleurs multicolores, parmi une pelouse très verte. Depuis ces alpages, on pourra admirer un glacier qui coule en une rivière le long d’un lit rocheux. Et au bout un lac vert, mystérieux parmi les dizaines de lacs turquoises de la région.

Enfin le clou sont deux glaciers. Le glacier Columbia que l’on peut contempler depuis un grand parking pour les touristes. Pas loin, le glacier Athabasca est plus accessible puisqu’on peut arriver à ses pieds. Cette pente glacée qui termine en un filet qui coule parmi la roche est impressionnante. D’autant plus que des panneaux détaillent les différents niveaux passés du glacier, qui a fondu énormément en un siècle. Ces panneaux sont un peu trop alarmistes, pointant du doigt le réchauffement climatique humain mais ne proposant pas de solution (pour venir ici, les seuls bus pour les touristes coûtent au moins 200 dollars). Comme issue fatale, la fin de l’eau pour l’ouest du Canada. Quand on voit le nombre de camping cars et pick-ups, sans compter les voitures, qui traversent la région au quotidien, on se pose des questions sur les efforts réels pour la protection de ces beautés naturelles.

On arrive à Jasper et s’installe dans un camping du parc, bien rempli. Voilà le week-end de la fête du Canada et de la fête de l’indépendance des États-Unis. Les emplacements sont pas mal occupés par des groupes qui prennent l’apéro. Mais cette fois-ci est l’occasion de contempler l’exagération des camping cars. Sur la route, on a croisé de nombreux camping-cars presque aussi long qu’un car, parfois traînant une voiture derrière, souvent un SUV. Et au camping, ces camping-cars ou les pick-ups traînant des grosses caravanes se transforment aussi en maison. Un grand paradoxe ce soir, nous avons mis 20 minutes à monter notre abri, une bâche qui sert de tente mono-paroi. Sur l’emplacement voisin, une famille avec un jeune et un bébé ont leur caravane, leur pick-up, mais aussi une grande tente - pour l’ado ? - et une tente pour manger. Ils semblent être restés plusieurs jours, mais ils passent clairement leur soirée à démonter la moitié du campement. Le lendemain matin, on aura décampé avant que leur machine à café branchée dans les toilettes ait fini de passer le café. Ça nous laisse un peu interrogateur sur l’intérêt du camping quand tant d’énergie est dépensée à juste profiter des vacances, quand le dépaysement est limité à déménager ses affaires pour quelques jours.

Voilà le clou de notre voyage, dont on a parlé tout le long. On part en rando sur deux jours, dans la vallée Tonquin, au sud de Jasper. Dans l’arrière-pays, comme on dit au Canada, dans la nature, un peu plus loin que les sentiers de randonnée à la journée. L’occasion de chercher à éviter les cars de touristes. En effet, ce soir-là nous aurons notre camping pour nous seuls et nous ne rencontrerons en deux jours qu’une dizaine de personnes - ce qui est déjà pas mal, mais pour l’un des parcs les plus connus en plaine saison, c’est raisonnable. On nous a prévenu avant le départ, il peut y avoir des ours grizzlis. Il faut être prudents. Les ours ont peur, comme tous les animaux. Et quand les animaux ont peur, ils peuvent fuir ou se défendre, comme on en a le réflexe. Et si les ours bruns mâles ont tendance à détaler, les femelles et apparemment surtout les grizzlis défendent leurs petits, mêmes s’ils ne sont pas carnivores. On doit donc faire du bruit, notamment avec notre pénible clochette à ours, et être prêts à dégainer notre spray à ours. A chaque virage et de temps en temps quand on entend une branche craquer alors que l’on est silencieux, on est à l’affût, on s’attend à voir un ours sortir de la forêt. Mais c’est surtout les moustiques qui nous suivent et surtout nous entourent dès que l’on s’arrête. Ils nous font enrager lorsque l’on mange, et le dodo va être difficile, je regrette de ne pas avoir pris de moustiquaire. D’autant plus que le spray anti-moustiques est inefficace. Cette rando a lieu parmi la forêt essentiellement. Elle nous mène au début d’un superbe paysage qui n’est offert qu’aux randonneurs sur plusieurs jours. On atteint en effet les Remparts, une chaîne de sommets enneigés, qui semble protéger la vallée et les lacs Améthystes, d’autres beaux lacs turquoises. Le tout est situé dans un environnement calme, sans bruit autre que la rivière et le bourdonnement des moustiques. Pas besoin de faire d’effort en cadrant les photos pour éviter d’avoir une route au milieu. Cela fait plaisir de se déconnecter du monde, de s’isoler un peu et de marcher une bonne demi-journée dans chaque sens.

Au final, on ne verra pas d’ours, mais on aura profité d’une belle longue rando avant de retrouver la ville. Et avant d’atteindre Calgary, on passera une dernière nuit à l’orée des Rocheuses dans l’auberge de Canmore, un beau chalet dont le salon offre une belle vue sur les montagnes, assis dans un canapé de cuir sirotant un café chaud.