en remontant le fjord

Après une pause à Québec et quelques heures à longer la côte-nord du St Laurent en voiture puis la traversée de l’embouchure du fjord en bateau-passeur (un pont est quasi impossible à construire alors quelques bacs permettent aux voitures de passer le fjord), je quitte Tadoussac sous une averse et je m’engouffre dans la forêt. Le chemin est particulièrement humide, de nombreuses sections sont simplement le lit d’un ruisseau. Il y a beaucoup de flaques ou de pierres glissantes. Mais très vite la récompense arrive. De belles vues sur une baie peu profonde, l’anse-à-la-barque, dans laquelle un voilier se repose, avec les collines en fond.

Cette journée est plutôt courte et je découvre mon abri donnant sur le fjord. Je vais me coucher avec un décor à envier, il ne coûte que 10km de rando pour dormir à l’abri mais avec balcon sur le fjord.

Je vois aussi une bonne part du ciel mais comme une malédiction qui frappe toutes mes randos ou presque, le ciel est couvert et je ne m’endormirai pas en contemplant le ciel étoilé.

Une fois la nuit tombée, la lune perce petit à petit un trou dans la couverture nuageuse et, aux 2/3 pleine, éclaire le fjord, la colline opposée, et les arbres qui me séparent de l’eau.

Petite erreur dans ma préparation, j’ai oublié un briquet ou des allumettes, le seul briquet que j’ai ne fait que cracher des étincelles. J’ai donc mangé mes nouilles froides, ça donnait pas mal, elles n’étaient même plus croustillantes après avoir baigné 45 minutes dans l’eau froide.

Après avoir été réveillé par le soleil, je me mets en route et atteins d’abord le refuge suivant. Bien placé et grand, il offre un grand luxe avec 12 lits en 6 chambres et une pièce avec poêle et tables et chaises confortables. Mais surtout il a un balcon qui offre une vue superbe sur l’embouchure du fjord. Je resterai bien quelques jours en vacances ici à profiter du balcon ou même en hiver pour profiter du poêle et regarder le fjord à travers les vitres.

Je longe des falaises avant de les contourner pour tomber sur de nouvelles vues du fjord, plus à l’intérieur, mais un peu ruinées par les lignes à haute tension qui le traversent. Après avoir suivi la piste qui slalome sous les câbles, je profite de la vue grandiose, vierge de toute présence humaine si ce n’est deux voiliers qui font la course en remontant le fjord.

La journée continue ainsi, à l’ombre de la forêt, avec quelques points de vue de temps en temps pour profiter du décor, parfois depuis un sommet, parfois au ras de l’eau.

Après quelques kilomètres, je me mets à sentir une légère douleur dans mon genou et me met à boiter. Cela empire après une chute dans un escalier de bois humide et glissant, et je me retrouve à me traîner jusqu’au refuge suivant, pourtant 10 kilomètres plus tôt que prévu. Devant la douleur, je m’incline, et choisis d’écourter ma journée, je me contenterai de rester là et je n’irai pas au bout du chemin. Dans la déception il y a la récompense d’un refuge de luxe à nouveau, avec une vue sur le bord du fjord, une fine couche de falaises rocheuses surmontée de la forêt. Le trio de couleurs bleu, orangé, vert est superbe. Je passe l’après-midi à lire avec pour seul bruit le vent dans les arbres et pour décor ce fjord et la forêt alentour.

Autour du refuge, le paysage rappelle le sud de la France. Les pins peu denses sont les seuls arbres, la végétation basse laisse souvent la place à un sol sec couvert d’épines de pin, des rochers ponctuent le tout. Et le soleil est assez intense sur ce paysage. Le clapotis de l’eau et le vent rajoute une bande sonore. On se croirait vraiment dans le sud.

Le soleil en se couchant nous offre de belles ombres qui mettent en relief le découpage du bord du fjord.

Je me réveille pour le lever du soleil. Pas déçu, je vois la rive en face du refuge (je marche le long de la rive est) progressivement éclairée par la lumière rasante, pour réveiller les arbres un à un.

Profitant de l’atténuation de la douleur dans mon genou, je progresse vers la civilisation à l’Anse-de-roche, abritant une bonne dizaine de chalets, essentiellement des résidences secondaires - mais aussi des locaux. L’immobilier n’est pas (encore) hors de prix mais déjà pas donné. L’anse est un vrai bijou. A marée basse quand j’y arrive, je vois un chalet, au bord de l’eau, gardien de l’anse, un bateau échoué jusqu’à la prochaine marée haute, et cette anse boueuse et rocheuse parcourue de filets d’eau réfléchissant leur bleu. Je reste plusieurs minutes pour m’assurer d’imprimer le souvenir sur ma rétine.

Je parcours la forêt ce matin pour tomber sur une poignée de beaux points de vue sur le fjord. Et je me laisse aller à lire dans ce décor de rêve, à regarder un voilier avancer lentement dans l’immense couloir.

Je profite des dernières vues sur le fjord avant de quitter le sentier.

Je rejoins le camping pour la nuit assez tôt pour éviter la chaleur de l’après-midi. La ferme où j’arrive ressemble plutôt à une industrie touristique tournant à plein régime. Une vingtaine d’employés s’activent pour faire visiter la ménagerie, pour emmener les touristes en quad ou en kayak. Il y a de quoi héberger tout le monde, entre yourte, chalet, motel, et camping pour moi.

Je participe à la sortie kayak au coucher du soleil pour me régaler de paysages fantastiques. Je retrouve l’anse de roche à nouveau à marée basse, un bateau temporairement échoué sur la plage, attendant la prochaine marée haute. Je découvre le petit port, dont le kiosque est occupé par un joueur de flûte qui nous offre une bande sonore pour apprécier le spectacle. En s’éloignant de la côte, toujours avec la flûte en fond sonore, la vue sur l’anse est parfaite : le soleil rasant met en relief les rochers au fond de l’anse, les arbres des forêts alentour, et les tons orangés sont complétés par le bleu de l’eau. Un chalet trône au bord de l’anse pour mieux dominer le décor.

La lune, pleine, s’est levée et s’est placée juste au-dessus des collines entourant le fjord, dans le ciel qui tend vers le bleu marine. Je regrette de ne pas avoir pris mon appareil photo.

Pour terminer, la dernière vision du fjord sera le ton rose-orangé du ciel découpant les lointains reliefs autour du fjord et le reflet bleu sur l’eau, depuis le camion qui me ramène au camping.

Pour mon dernier jour, je rentre laborieusement en stop à Tadoussac (il m’a fallu une heure de marche avant que quelqu’un m’offre un ride) avant de retrouver la conductrice de mon covoiturage pour Québec.

A Tadoussac, je traîne sur la plage de sable dans la baie pour terminer mon livre puis me balade au bord du fleuve, jusqu’à l’embouchure du fjord.

En étape à Québec, je contemple la ville de nuit, profitant de la douceur de l’été.