Aux portes du désert

Ce voyage est juste magnifique. Les paysages que l’on traverse me laissent rêveur. Nous avons laissé Tozeur et sa petite médina de briques aux murs sculptés de symboles pour d’abord grimper dans les oasis de montagne avoisinantes, des villages bordés d’une palmeraie. Celle de Chebika est comme la corbeille de Nefta, on y trouve dans une cuvette une palmeraie particulièrement luxuriante, d’un vert intense, entourée cette fois-ci de rochers sans la moindre végétation. L’ocre minéral tranche avec le vert des palmiers. Un cours d’eau ruisselle dans le fond de la cuvette, à la couleur turquoise. Il y a aussi un village en ruines sur un versant de la montagne, abandonné lors de sa modernisation: le gouvernement a préféré faire construire un nouveau village en bas plutôt que d’équiper l’ancien avec eau courante et électricité.

L’oasis de Mides est belle aussi. La vieille ville, abandonnée elle aussi, se situe sur une presqu’île formée par des canyons creusés e ondulation par la circulation de l’eau. Cette forme me rappelle la légende racontée dans la baie d’Ha Long, où un dragon se serait amusé et aurait causé la myriade d’îles; j’imagine ici un dragon ou serpent géant qui aurait pu dessiné ces canyons courbes.

Mais la grosse attraction aujourd’hui est le Chott El-Jérid. Un lac salé, qui offre une légère couche blanche souvent recouverte de sable - au jour le jour, selon les tempêtes de sable qui recouvrent le lac et les rares pluies qui font ressortir le sel au séchage. Les meilleurs jours comme aujourd’hui (ça n’arrive pas souvent), on voit un étroit cours d’eau aux reflets de couleur rose qui longe la route traversant le lac. Le tout donne une belle teinte au paysage salé. Après avoir joué sur le lac à prendre quelques photos des statues bizarres trainant là, avoir vu une barque échouée et des cyclistes endormis sur une baraque, on a rejoint Douz.

Douz est la porte du désert. Ça se sent car ce soir en rentrant, je reste un peu dehors et j’ai besoin d’une polaire. La température est retombée autour de 10-15 degrés, depuis la trentaine de degrés autour de Tozeur. Nos hôtes à Douz sont généreux, extrêmement accueillants. Et ils vivent avec une ménagerie incluant même un fennec. Ce soir à été l’occasion de quelques bons souvenirs. Je pense à ce coucher de soleil au-dessus de la foule d’un mariage qui s’éloigne vers la ville. Ou à ce café sur le toit d’un bâtiment, à profiter de la soirée se rafraîchissant sur la place centrale, tout le monde attablé autour d’un café, à écouter le muezzin appeler à la prière.

On repart vers Matmata le matin suivant. On prend garde à remplir le réservoir, de peur de ne pas trouver beaucoup de pompes. On part pour une journée de voiture dans le désert ou en tout cas pour une région rurale. Une fois sortis de Douz, la route file vers l’horizon, et dans notre champ de vision il n’y a que du désert. Et à notre plus grande surprise, si l’on traverse des déserts humains, on va traverser des lieux pleins de végétation. La première section reste peu plantée, on y trouve des petits buissons que l’on trouve dans les déserts arides. Les plantes sont mangées par les dromadaires élevées dans ce désert, on voit aussi les campements de leurs probables bergers.

Première belle surprise : Tamezret. Le village construit à flanc de colline est sublime, avec ses couleurs claires pour les murs, blanc ou beige, et ses volets et portes bleus. Le village semble vide, peu de gens y vivent. On peut voir toute la région depuis le haut du village, le désert aride alentour.

On s’arrête brièvement à Matmata pour voir les décors de Star Wars, des habitations troglodytes dans des trous. La route nous réserve de belles surprises, beaucoup de végétation par endroits, des collines marquées à d’autres endroits. On se retrouve entre des collines rocheuses qui rappellent le Grand Canyon. La route suit une trajectoire de montagnes russes entre ces collines. Au détour d’un sommet, on tombe sur une superbe vallée. Un village est accroché au flanc de la colline en face. C’est Toujane. On s’y arrête pour une courte balade avec vue, et surtout pour un couscous chez un des habitants qui nous emmène jusque chez lui pour manger, dans sa maison construite dans la roche, dans la salle à vivre, aux murs blancs et tellement fraîche dans la chaleur extérieure.

Ensuite la plus belle partie de la journée fut la route entre Ghomrassen et Douiret, pour une première partie entre des montagnes ocres qui ressemblent au Grand Canyon ou aux rochers surmontés d’une couronne de Monument Valley, puis les plaines verdoyantes étendues entourées de collines, le tout éclairé par un soleil chaud rasant. J’oublie aussi le lit de rivière qui est devenu une rivière de palmiers. Et le passage au Ksar El Ferch et ses chambres à la forme surprenante, le toit arrondi. Et son café vide avec une boîte aux lettres, au milieu du Ksar. Et enfin la vieille ville de Chenini, ville troglodyte accrochée au sommet, dominant la vallée.

On arrive à la vieille ville de Douiret juste avant la nuit. Sur le versant de la colline, le gîte où l’on passe la nuit est creusé dans la roche. Les chambres troglodytes sont séparées de l’entrée du gîte par une cour, un bâtiment sur deux étages construit en roche aussi. Après avoir contemplé les étoiles dans cet environnement sans lumière, du haut de notre citadelle troglodyte, devant la mosquée au palmier blanche, on prend notre repos bien mérité.

Nous voilà déjà à notre dernier jour dans le Sud. On visite le village troglodyte de Douiret, en se faufilant d’abord dans les salles fraîches sous la roche de la mosquée au palmier vide, puis entre les maisons abandonnées, le long d’une corniche étroite et caillouteuse. On découvre un paysage ocre, un versant de bâtiments troglodytes qui se distinguent à peine de la colline, avec un palmier posé au centre d’un ensemble de bâtiments, dont peut-être la mosquée au figuier. On reprend la route pour traverser quelques villages près de Tataouine ponctués de barrages érigés quelques jours plus tôt pour un mouvement social. L’entrée de la ville est toujours gardée par une dizaine de militants qui laissent passer les automobilistes.

On rejoint un dernier village, Ksar Ouled Soltane, un autre ksar en particulièrement bon état. Les ghorfas, pièces qui servaient à stocker céréales, bijoux et autres biens d’une famille quand les villageois partaient dans le désert pour quelques temps, sont empilées sur 2 à 3 étages, les plus hautes ghorfas sont accessibles grâce à des escaliers qui tiennent encore bien le coup. L’une des façades de ce ksar est connue pour être reproduite sur les billets de 20 dinars. On redescend de notre point le plus au sud du voyage et c’est parti pour une longue après-midi de route pour rejoindre au nord Mahdia, en bord de mer.

En ce dernier matin on se réveille encore une fois à cause de la lumière du jour. On commence par rejoindre la petite médina de Mahdia. On recherche de quoi manger, on se perd un peu et on tombe un peu par hasard, et surtout avec bonheur, sur la recherchée place du Caire, une petite place piétonne, sous les arbres, dense de chaises et entourées de cafés. L’un d’entre eux nous sert un express, un direct, un thé à la menthe, des tranches de cake et un friand à la crème chocolat-noisette très chaud. Le matin encore frais et très calme - seule une autre table est animée - est des plus agréables. On reviendrait à Mahdia tous les weekends pour apprécier ce petit déjeuner.

On part à la découverte du cimetière marin et du port punique de la ville, le tout dans le vent du bord de mer. Les barques des pêcheurs qui se laissent bercer par le courant n’attendent plus qu’un peintre pour venir immortaliser la scène.

On termine notre balade en errant dans les rues de la petite ville, à admirer les immeubles blancs aux portes et volets bleus. Le nord de la Tunisie et ses belles couleurs ensoleillées, sans la foule de Tunis.

Il faut quitter ce petit paradis et on retrouve l’arène d’El Jem avant de reprendre la route puis l’avion pour rentrer à la maison, plus fraîche mais quand même on l’espère, ensoleillée.